Introduction
La ville de Lyon compte un nombre relativement élevé d'orgues d'église, avec toutefois des originalités par rapport à d'autres métropoles: ces différences sont essentiellement liées au rite lyonnais en usage dans le diocèse, imposant une liturgie particulière dont il ne subsiste cependant que peu d'éléments aujourd'hui.
L'une des caractéristiques importantes de ce culte était de ne pas faire usage de l'orgue durant les offices paroissiaux, interdiction qui subsista jusqu'en février 1841. L'orgue fut par la suite toléré et s'imposa progressivement comme un instrument cultuel au même titre que dans les autres diocèses, mais dans un rapport où il subsista quelques traces de cette ancienne défiance: les orgues construits peu à peu dans les églises restèrent d'une taille assez réduite, parfois même, ils furent d'abord instruments de choeur avant de timidement s'étoffer pour être agrandis en orgue de tribune.
Si l'on excepte les constructions plus récentes, ils datent presque tous à peu près de la même époque. La plupart des orgues lyonnais furent en effet édifiés entre 1840 et les premières décénies du 20ème siècle, c'est-à-dire que leur construction s'étale sur une période d'une centaine d'années seulement. Ainsi le parc instrumental est-il constitué essentiellement d'orgues d'esthétique romantique, ou néoclassique pour les plus tardifs. Ce n'est que récemment que la ville s'est enrichie d'instruments neufs ou reconstruits d'esthétique baroque ou néo-baroque, comme les orgues de l'Immaculée Conception ou de Saint-Vincent.
Beaucoup des instruments symphoniques du patrimoine instrumental de la ville ont malheureusement été dénaturés, pour être mis au goût du jour à l'époque néo-classique, souvent d'une manière peu respectueuse de la facture d'origine.
Parmi les orgues symphoniques lyonnais, celui de la Rédemption figure parmi les plus importants. Construit entre 1890 et 1900, s'il n'a pas échappé à certaines mises au goût du jour, il a toutefois été globalement préservé d'une altération profonde, et garde notamment sa console, sa mécanique, ses sommiers et une grande partie de son matériel sonore, contrairement aux autres grands instruments de l'agglomération, si l'on excepte celui de Saint-François: l'orgue de Saint-Bonaventure par exemple, profondément transformé, a entièrement perdu son intérêt et son caractère initial.
Cette particularité, outre le fait qu'il est l'un des instruments importants construits par le grand facteur d'orgue franco-allemand Joseph Merklin, lui confère une valeur patrimoniale et artistique très élevée, et un rayonnement régional indéniable.
La réputation et la notoriété d'Aristide Cavaillé-ColI, pour légitimes et justifiées qu'elles furent et sont encore, éclipsèrent longtemps la personnalité d'autres facteurs d'orgues français de la même époque, dont les oeuvres n'ont certes pas bénéficié du même respect. Il n'est pas rare que celles-ci aient été endommagées par des restaurations peu scrupuleuses ou altérant leur esthétique, ou parfois même entièrement détruites.
Force est de constater, toutefois, qu'on redécouvre peu à peu aujourd'hui la qualité de ces facteurs d'orgue du 19ème siècle injustement négligés durant des décénies, tant sur le plan de la qualité esthétique, que du point de vue de leur importance patrimoniale: Joseph Merklin est de ceux-là, au même titre que Wenner (région bordelaise), les Puget (région toulousaine), Beuchet (région nantaise), ou Stoltz, pour n'en citer que quelques-un.
Expérimentateur de nouvelles techniques et pédagogue convaincu, Joseph Merklin se détache toutefois des autres: il présente une personnalité originale particulièrement intéressante en ce qu'elle affirme un artiste européen avant l'heure. Voyageur et constructeur infatigable, cet allemand d'origine établira sa résidence en Belgique puis à Lyon, non loin de l'église de la Rédemption. L'une de ses originalités est de proposer dans ses oeuvres une synthèse remarquable de certaines caractéristiques instrumentales et esthétiques tant germaniques que françaises.
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