Denis Bordage

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Juger Joseph Merklin à l'aulne de Cavaillé-Coll est encore chose courante aujourd'hui. Et pourtant, si ces deux grands innovateurs et entrepreneurs ont certes des points communs, à commencer par leur contemporanéïté (Cavaillé: 1811-1899, Merklin: 1819-1905), une telle comparaison sur des critères basés sur la facture du facteur catalan est réductrice en ce qu'elle ne prend pas en compte les spécificités de celles de Merklin, influencée par la facture germanique.

Par ailleurs entrepreneur hors pair et innovateur perpétuel (plusieurs dizaines de brevets déposés), Joseph Merklin, à l'origine simple apprenti, a donné une dimension internationale à son entreprise: ne construira-t-il pas plus de 400 instruments de par le monde?

Merklin a construit bien sûr en Allemagne, son pays d'origine, en Belgique en France, ses deux patries d'adoption, en Europe: Hollande, Espagne, Suisse, Angleterre, Irlande, et Ecosse, mais aussi en Afrique du Nord, Turquie, Russie, Roumanie, Australie, Amérique du Nord et du Sud; la société eut même à une époque une succursale à La Havane!

Joseph est fils de Franz-Joseph, lui-même facteur, né en 1788. Celui-ci crée la manufacture d'orgue Merklin en 1823, puis s'établit à Freiburg en 1832 (jusqu'en 1857). Joseph travaille d'abord dans l'atelier familial, qu'il quitte en 1837 (il a 18 ans), pour travailler chez d'autres facteurs renommés: chez F. Hess, durant un an (amitié et échanges entre Cavaillé et Haas), puis chez le grand Walcker pendant 6 mois.

Il s'installe au début de 43 en banlieue de Bruxelles, et se lie avec le musicologue F.J. Fétis (professeur au Conservatoire Royal de Bruxelles et musicologue): les deux hommes manifestent amitié et estime réciproques. Fétis sera un fervent défenseur de Joseph.

Cette relation témoigne d'un projet ambitieux qu'ils ont en commun: doter le pays d'une école d'orgue et d'une école de facture d'orgue de qualité. La formation des organistes et des facteurs d'orgues est au coeur de leurs préoccupations.

Fétis disait de Joseph qu'il était « ... actif, infatiguable, ayant au plus au degré l'esprit d'ordre et d'organisation ... ».

 

Joseph Merklin est un perpétuel innovateur persuadé de la nécessité de la recherche du progrès. Sa société a déposé de très nombreux brevets techniques tout au long de sa vie. Il s'intéresse notamment, dès que possible, à l'électricité appliquée à la facture d'orgue. Innovateur commercial aussi, il crée un catalogue d'harmonium et d'orchestrium, ainsi qu'un catalogue d'orgue comprenant 18 modèles, dont on peut admirer et essayer certains dans une pièce d'exposition des locaux de son entreprise.


Rompant avec une tradition héritée du 18ème siècle, qui consistait à ne monter et à n'harmoniser les orgues qu'une fois in situ, il acquiert à Ixelles, chaussée de Wavres, en banlieue bruxelloise, un nouvel atelier de très grande taille, lui permettant de monter et d'harmoniser des orgues géants en atelier.

Il ouvre une succursale à Paris en octobre 1854 (exposition-vente), et achète la société Daublaine-Callinet à Ducroquet, puis s'installe au 49 bd. du Montparnasse en 1855.

L'orgue de St-Eugène en 1856 (Expo. Universelle Paris 1855) constitue en quelque sorte un banc d'essai des techniques du futur orgue de la cathédrale de Murcie, son chef-d'oeuvre. Celui-ci est achevé en juillet-août 56, embarqué en décembre 56, terminé sur place en juillet 57 (inauguration le 8 juillet 57).
Merklin, parce qu'il représentait une tradition de facture de haute qualité (germanique), en même temps qu'il témoignait d'une volonté d'innovation permanente, a toujours suscité ou favorisé une relation à la pédagogie. Ainsi la société Merklin a-t-elle toujours été une véritable école de facture d'orgue: de nombreux ouvriers venaient s'y perfectionner.

Lyon a la grande chance d'avoir été pendant quelques années la terre d'élection du grand facteur: il avait installé dès octobre 72 ses ateliers et le siège social de son entreprise au 11 rue Vendôme, dans le 6ème arrondissement, à deux pas de l'église de la Rédemption, après son exil forcé en Suisse durant la guerre de 1870.

 

Joseph Merklin, naturalisé français le 10 mars 1875, chevalier de la Légion d'Honneur, titulaires de très nombreuses récompenses aux Expositions Nationales et Universelles, se retire de ses activités le 12 novembre 1898: en 56 années d'activité, il aura fondé et dirigé 3 importantes manufactures, à Bruxelles, Lyon, Paris.

Très bon gestionnaire, il ne fut jamais responsable de faillite (13 facteurs d'orgue furent pourtant victimes de faiIlites au 19ème dans le seul département de la Seine, et on se souvient de la liquidation judiciaire retentissante de Cavaillé~ColI).

Son entreprise ne lui survivra pas longtemps. Les sociétés successives qui porteront son nom n'auront plus grand chose à voir avec l'entreprise initiale.

Il est indispensable que la ville de Lyon lui rende l'hommage qu'il mérite, en se le réappropriant, et en prenant conscience de l'importance et de la place qu'il occupe dans l'art instrumental du 19ème siècle. La présence dans la région de Michel Jurine, facteur d'orgues lui-même et auteur d'une thèse de doctorat sur Joseph Merklin, constitue un atout supplémentaire pour y parvenir. Il est dommage notamment qu'aucun site Internet ne rende hommage à l'homme et à son oeuvre. Sa ville d'adoption ne lui doit-elle pas un tel hommage?

En l'absence de prise de conscience de la ville de l'importance de ce facteur d'orgue, il y a fort à parier que celui-ci sera récupéré par Bruxelles ou Paris, ses deux autres patries d'adoption, d'autant qu'après une période toute tournée vers l'époque baroque, l'art du 19ème siècle risque fort de connaitre dans les prochaines années un nouvel engouement.

 
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