Denis Bordage

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Orgue de La Rédemption
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Le nouvel orgue Desmottes 
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Plaidoyer pour la restauration

L'orgue de la Rédemption constitue certainement dans l'oeuvre du grand facteur une de ces oeuvres majeures, par sa taille, son équilibre esthétique et sa polyvalence, mais aussi et surtout car il fut conçu juste avant la reprise de la société par son gendre Charles Michel, qui marque une certaine décadence de la société et une perte progressive des valeurs qui la caractérisaient. Après sa disparition d'ailleurs, les entreprise de facture d'orgues qui reprendront son nom n'auront que peu de rapport avec elle.

Par ailleurs, si l'orgue de la Rédemption intègre certaines des innovations de Joseph d'un point de vue technique, il évite celles qui sacrifient au modernisme à tout prix et à la « fée électricité», privilégiant une conception traditionnelle toute tournée vers les possibilités expressives que représentent la transmission par machines Barker. Notre instrument ne compte pas moins de cinq machines!

Il en est tout autrement de l'orgue de Saint-Nizier par exemple, pourtant construit deux années auparavant, dont les consoles électriques situées dans le choeur, aux dires de ceux qui l'ont joué, rendaient impossible toute interprétation digne de ce nom, du fait du retard énorme avec lequel le son parvenait aux oreilles du musicien.

On ne peut s'empêcher de penser en effet que l'installation d'une transmission électrique au Positif dans les dernières années de la construction de l'orgue de la Rédemption, et qui date finalement de la période de séparation de Joseph d'avec son gendre Charles Michel, constitue un détournement du plan initial, qui certainement prévoyait des machines Barker à tous les claviers pour plus de cohérence. Cette anomalie a été réparée à la demande de Maurice Reuchsel, alors organiste de la paroisse, en 1936.

L'orgue de la Rédemption est donc en quelque sorte un archétype de la facture de Joseph Merklin dans ce qu'elle a de plus aboutie, et un grand orgue symphonique à trois claviers à la fois proche de la facture française romantique et pourtant d'une esthétique particulière voire unique, du fait de la parenté et de l'apprentissage germanique de Joseph.

Par rapport à Cavaillé-Coll, que sa formation enracine dans le sud de la France, on constate un goût remarquable pour les jeux gambés et les tailles étroites, une quasi-absence de plein-jeu là où à la même époque le facteur catalan revient aux plein-jeux classiques de type Dom Bédos, une harmonisation privilégiant le medium au détriment des basses et des aigus, afin de favoriser la polyphonie (ascendance germanique oblige), et finalement une relation positif-récit particulière, comme si tout l'instrument malgré ses trois claviers n'en avait finalement que deux, mais particulièrement développés. Les anches par ailleurs sont plus fines, moins larges et moins « françaises », d'une qualité et d'un caractère original par rapport à ce qui se fait dans notre pays à la même époque. L'alimentation témoigne aussi de choix technique particuliers.

Ecoutons ce que dit de Merklin l'historien Emile Rupp en 1928 (cité par Michel Jurine dans son ouvrage): « Nous définirons volontiers le caractère spécifique de l'harmonisation de Merklin par le son plein et moelleux des jeux à bouches, qui rappellent presque Sibermann (très grand facteur allemand du sud au 18ème siècle DB), ainsi que par la discrétion des très nombreux jeux d'anches. (...) »


Il est clair que ce facteur d'orgue mérite une place particulière dans l'histoire de la facture d'orgue et de l'organologie en général, place que l'on commence seulement à reconnaître. Il est absolument indispensable de sauvegarder l'orgue de la Rédemption en tant que témoignage exceptionnel de cette facture exceptionnelle, d'autant que la plupart des oeuvres de Joseph Merklin n'ont pas bénéficiées de cette reconnaissance de leur identité et de leur qualité pour les raisons déjà évoquées, et que nombre d'entre elles ont été profondémment altérées, ou ont simplement disparues.

La restauration de l'orgue de la Rédemption devrait être une restauration modèle à l'identique en tant qu'il est l'une des oeuvres majeures de ce facteur, tout comme elle peut constituer pour la ville une opportunité de choix de se réapproprier cet artiste exceptionnel pour le faire rentrer au Panthéon de ceux qui ont façonné son patrimoine culturel. N'est-ce pas d'ailleurs le moindre des devoirs d'une métropole aspirant à être Capitale Européenne de la Culture en 2013?

 
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